L’annonce a été faite d’un report possible des loyers commerciaux et professionnels pour palier les perturbations de l’activité économique causées à certaines entreprises par la pandémie que connaît le monde actuellement. Pour autant, cette annonce attribue-t-elle un droit au report des loyers ?
L’ordonnance n° 2020-316 du 25 mars 2020 parue au journal officiel le 26, a décidé de dispositions applicables au paiement des loyers, au bénéfice des très petites entreprise dont l’activité est affectée par la propagation de l’épidémie.
Son article 4 ne donne pas expressément un droit aux preneurs de suspendre ou reporter le paiement des loyers.
Il ne s’agit pas d’un droit à la suspension. Il prévoit seulement que les preneurs « ne peuvent encourir de pénalités financières ou intérêts de retard, de dommages-intérêts, d'astreinte, d'exécution de clause résolutoire, de clause pénale ou de toute clause prévoyant une déchéance, ou d'activation des garanties ou cautions, en raison du défaut de paiement de loyers ou de charges locatives afférents à leurs locaux professionnels et commerciaux, nonobstant toute stipulation contractuelle et les dispositions des articles L. 622-14 et L. 641-12 du code de commerce. »
En clair, si le preneur ne peut plus payer les loyers commerciaux ou professionnels, le bailleur sera privé de moyen d’action. Un commandement de payer visant la clause résolutoire du bail sera inefficace et le bailleur ne pourra pas saisir la justice pour résilier le bail. Il ne pourra pas réclamer le paiement de pénalités, mêmes contractuelles, ni réclamer une indemnisation à son locataire.
Pas de suppression des loyers, ni de report automatiquement du: Il s’agit donc d’un gel des sanctions au profit du locataire, qui devra en revanche peut-être subir l’ire de son propriétaire privé de sa source de subsistance, pour certains d’entre-eux
Pour éviter les crispations et les situations difficiles, il serait sans doute avisé de puiser dans nos réserves de civisme en amorçant des discussions pour expliquer les situations respectives et trouver des solutions amiables.
Attention toutefois, l’ordonnance précise que ces dispositions ne s’appliquent qu’aux « loyers et charges locatives dont l’échéance de paiement intervient entre le 12 mars 2020 et l’expiration d’un délai de deux mois après la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire déclaré par l’article 4 de la loi du 23 mars 2020 précitée » . La loi du 23 mars prévoyant un état d’urgence sanitaire de deux mois se terminant le 24 mai 2020 pour le moment, les loyers concernés ne seront que ceux dont l’échéance interviendra du 12 mars au 24 juillet 2020, le temps probablement pour les entreprises de reprendre leur activité si elles le peuvent.
Tous les preneurs peuvent-ils prétendre à l’étalement ou au report des échéances du bail commercial ou professionnel, au risque de perturber gravement l’équilibre financier des bailleurs ?
L’ordonnance ne prévoit aucune automaticité du dispositif, qui ne peut bénéficier qu’aux «personnes physiques et morales de droit privé exerçant une activité économique qui sont susceptibles de bénéficier du fonds de solidarité » (Ord. 25/03/20).
Lesdits bénéficiaires ne sont pas encore définis, l’ordonnance du 25 mars 2010 créant ce fonds de solidarité renvoyant à un décret non encore paru (à la date de cet article) (note 2: il est paru le 20 mars 2020).
Des précisions apportées par le site du gouvernement indiqueraient que seraient concernées par ce fond de solidarité, et par ricochet par l’absence de sanction pour défaut de paiement des loyers :
- Les commerçants, artisans, professions libérales et autres agents économiques, quelque soit leur statut (société, entrepreneur individuel, association…) et leur régime fiscal et social
(y compris micro-entrepreneurs),
- ayant un effectif inférieur ou égal à 10 salariés
- un chiffre d’affaires 2019 inférieur à 1 million €
- un bénéfice annuel imposable inférieur à 60000 € (Conditions cumulatives).
- Soit qui ont fait l’objet d’une fermeture par décision de l’administration ou appartenant à un secteur particulièrement touché (hébergement, activités culturelles et sportives, évènementielles, foires et salons)
- soit qui ont subi une perte de chiffre d’affaires d’au moins 70% en mars 2020 par rapport à mars 2019 (pour les structures créée après mars 2019 n’ayant pas de point de comparaison, il sera tenu compte du CA mensuel moyen depuis la création, comparé au CA de mars 2020)
Ces critères ne sont donc pas encore certains, le décret devant encore les arrêter, conformément à l’information qui a été publiée sur le site du gouvernement.
Locataires, soyez donc prudents et vérifiez que vous êtes bien éligibles à l’absence de sanction financière ou de perte du bail, savant d’avertir votre bailleur que vous ne paierez pas le loyer à l’échéance convenue.
Note 1: lire le décret n°2020-379 du 31 mars 2010 qui prévoit en son article 2 que le locataire doit produire une déclaration sur l'honneur attestant du respect des conditions prévues à l'article 1er du présent décret et de l'exactitude des informations déclarées et l'accusé-réception du dépôt de leur demande d'éligibilité au fonds de solidarité ou, lorsqu'elles ont déposé une déclaration de cessation de paiements ou sont en difficulté au sens de l'article 2 du règlement (UE) n° 651/2014 de la Commission du 17 juin 2014 déclarant certaines catégories d'aides compatibles avec le marché intérieur en application des articles 107 et 108 du traité, le cas échéant, une copie du dépôt de la déclaration de cessation de paiements ou du jugement d'ouverture d'une procédure collective. (https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000041774082&categorieLien=id)
Note 2 : le décret du 30 mars 2020 organisant les conditions d'admission au bénéfice du fond de solidarité est paru : https://www.legifrance.gouv.fr/eli/decret/2020/3/30/2020-371/jo/texte
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© Nathalie JAY, Avocat - La Réunion
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